DUBOIS, Félicie (Bruxelles, 28 juillet 1857 – Saint-Gilles, 18 août 1928), philanthrope.
Epouse de Léon Vandenperre, descendant d’une famille de brasseurs (Brasserie du Merlo à Neerstalle), Félicie Dubois appartient à la bourgeoisie industrielle bruxelloise. Elle commence par s’investir dans les milieux caritatifs liés à la protection de l’enfance en Belgique : elle est notamment membre de la section bruxelloise de l’Œuvre Nationale de l’Enfance et présidente de la Goutte de Lait de Saint-Gilles.
Félicie Dubois ne tarde pas à manifester le même intérêt pour les questions de protection maternelle et infantile en contexte colonial. En 1912, elle est à l’origine de la Ligue pour la Protection de l’Enfance noire, qu’elle fonde avec des praticiens de la médecine coloniale du Congo (le Dr Jérôme Rodhain, spécialiste de la maladie du sommeil, Mère Marie née Thérèse De Bolster, religieuse directrice de l’hôpital de la Compagnie du Chemin de Fer du Bas-Congo à Kinkanda, l’infirmière-diaconesse protestante Marguerite de Léaucourt, le père jésuite Vanderyst actif dans la prévention de la tuberculose), ainsi qu’avec l’épouse du vice-gouverneur général Eugène Henry. Cette association repose sur le bénévolat des coloniales au Congo belge, et sur un comité de dames patronnesses en métropole.
Félicie Dubois défend à diverses reprises publiquement l’importance d’une action de prévention de la mortalité infantile en colonie. Elle est notamment invitée à s’exprimer en 1913 lors du Congrès colonial international de Gand. Ses motivations correspondent à l’esprit de son temps : dans un contexte de crainte d’une dépopulation de la colonie belge, il lui semble que « soigner l’enfant tout en faisant l’éducation des mères indigènes, est un devoir. Il nous faut de la main-d’œuvre noire, la richesse de notre colonie en dépend. » [1] La ligue nouvellement fondée par Félicie Dubois poursuit trois axes : la lutte contre la mortalité infantile en colonie par la création de consultations de nourrissons et de Gouttes de lait ; l’éducation à l’hygiène des écoliers congolais par la publication d’un manuel ; la formation en puériculture des femmes occidentales avant leur départ pour le Congo (religieuses missionnaires et femmes laïques).
Félicie Dubois ne se contente pas de théoriser sur les questions de protection maternelle et infantile. Elle s’implique personnellement comme enseignante dans le cadre du cours de médecine tropicale pour missionnaires et auxiliaires laïcs de l’Ecole de médecine tropicale. Elle contribue également au lancement de dizaines de consultations de nourrissons au Congo (une soixantaine en 1924 pour près de 5 000 enfants) en faisant parvenir aux religieuses et autres bénévoles du matériel pour les consultations. Félicie Dubois ne manifeste dans ce domaine aucun a priori idéologique : elle collabore aussi bien avec des laïcs que des sociétés missionnaires, avec des religieuses catholiques que des diaconesses protestantes.
En 1916, Félicie Dubois poursuit son action pour la protection de l’enfance dans le contexte de la Première Guerre mondiale en Belgique. Elle fonde l’Œuvre de la Santé à l’Enfance et organise des cantines où les mères pouvaient amener leurs enfants pour y recevoir un repas.
Félicie Dubois participe enfin à de nombreux organes coloniaux en Belgique : elle est membre du Conseil supérieur de l’hygiène coloniale, du Comité permanent du Congrès colonial belge, du Comité de l’Œuvre de la Protection de la Femme indigène au Congo belge, et du Comité de l’Union des femmes coloniales belges. Son époux semble lui aussi sensible à ces problématiques coloniales : il correspond notamment avec le premier nationaliste et militant panafricaniste congolais Panda Farnana, au début des années 1920 [2]. L’investissement de Félicie Dubois dans le domaine de la protection de l’enfance, plus spécifiquement colonial, fut reconnu par l’attribution de décorations : elle fut nommée Chevalier de l’Ordre de la Couronne et reçut la croix civique de 1re classe et la médaille de la Reine Elisabeth.
Anne Cornet
Musée royal de l’Afrique centrale
26 août 2014
anne.cornet@africamuseum.be
Sources publiées
Situation des enfants aux colonies. Les enfants indigènes au Congo belge. Rapport établi par Mme L. Vandenperre, présidente de la Ligue pour la protection de l’Enfance noire au Congo belge, in Bulletin international de la protection de l’enfance, Vol. 38, 1925, pp. 539-555.
Vandenperre (F.), La Ligue Nationale pour la Protection de l’Enfance Noire au Congo belge, in van Ortoy (F.), ed., IIIe Congrès international colonial (Gand, 1913). Compte-rendu, Gand, 1922, t.1, pp. 166-178.
En souvenir de Madame Vandenperre, in Bulletin de l’Union des femmes coloniales, octobre 1928, p. 5.
Le service social, revue mensuelle, Vol. 8, 1929, n° 8-9, p. 120.
La Tribune congolaise, 31 avril 1925, p. 1 ; 31 août 1928, p. 3
Travaux scientifiques
Jacques (C.) & Piette (V.), La femme européenne au Congo belge : un rouage méconnu de l’entreprise coloniale. Discours et pratiques (1908-1940), in Bulletin des séances de l’Académie royale des sciences d’outre-mer, IL, n° 3, 2003, pp. 261-293.
Jacques (C.) et Piette (V.), L’Union des femmes coloniales (1923-1940). Une association au service de la colonisation, in Hugon (A.), ed., Histoire des femmes en situation coloniale : Afrique et Asie, XXe siècle, Paris, Karthala, 2004, pp. 95-117.
Jadot (J.-M.), Dubois Félicie, in Biographie coloniale belge, Vol. 4, Bruxelles, arsc, 1952, c. 250-251.
Louwers (O.) & Hoornaert (A.), La question sociale au Congo : rapport au comité du Congrès colonial national, Goemaere, 1924.
Piette (V.), Dubois Félicie, épouse Vandeperre, in Gubin (E.), Jacques (C.), Piette (V.) & Puissant (J.), eds., Dictionnaire des femmes belges, 19e et 20e siècles, Bruxelles, Racine, 2006, pp. 214-215.
[1] Piette, (V.) « Dubois Félicie, épouse Vandeperre », in Gubin (E.), Jacques (C.), Piette (V.) et Puissant (J.), ed.), Dictionnaire des femmes belges, 19e et 20e siècles, Bruxelles, Racine, 2006, pp.214-215.
[2] Papiers W.E.B. Du Bois, WEB Du Bois Library, Université du Massachusetts, Amherst, dossier MS 312.
Biographical Dictionary of Overseas Belgians